Abdelmakssoud Rachidi écrit : mouvements de jeunesse, premières observations (partie 2)

Abdel-Maqsoud Rachdi
Les manifestations pacifiques des jeunes, en réponse aux réalités et aux difficultés de leur quotidien, se caractérisent par une souffrance silencieuse, responsable et citoyenne, dans un contexte marqué par des années d’angoisse sociale, de corruption omniprésente et une profonde frustration. La persistance des mêmes politiques publiques, se contentant de discours séduisants accompagnés de chiffres souvent déconnectés de la réalité, ainsi que des pratiques dominées par des conflits d’intérêts et un manque de gouvernance, ont exacerbé le sentiment de marginalisation et d’injustice. Cela a facilité ces explosions individuelles et collectives réclamant des droits constitutionnels que les manifestants ne perçoivent pas dans leur vie quotidienne.
Il est également frappant de noter la participation des femmes dans ce mouvement, exprimant leurs revendications avec éloquence, parfois aux côtés de leurs amis masculins, en utilisant des termes tels que : liberté, dignité, équité, égalité, démocratie, application de la constitution, recherche de justice spatiale, culturelle et sociale… défendant leurs droits en matière d’éducation, de santé, d’emploi et de citoyenneté.
Ces manifestations témoignent d’une prise de conscience accrue d’une génération de jeunes numériques, engagés dans un discours de droits qui aborde des revendications sociétales soulevées depuis des années, mais qui s’expriment aujourd’hui d’une voix juvénile pour améliorer le service public, renforcer les droits des citoyens et lutter contre la corruption afin d’atteindre le développement, la participation et la démocratie.
Ces revendications révèlent une perte de confiance des jeunes en leur avenir, et probablement même en leur pays pour certains d’entre eux, tout en mettant en lumière leur profond souci des conditions sociales, économiques et culturelles, dans un contexte d’échec de la stratégie nationale pour la jeunesse et des politiques publiques incapables de répondre à leurs attentes et aspirations.
L’essentiel est aujourd’hui que les jeunes ont exprimé l’urgence des questions sociales et économiques et leur priorité pour atteindre développement, stabilité et justice, en tant qu’éléments fondamentaux d’un véritable État social. Un État capable de protéger les jeunes et la société contre diverses intrusions et complots qui chercheraient à exploiter de telles occasions à leur profit. Cela allège également les conséquences de l’échec des politiques publiques sur les forces de sécurité, notamment lorsque des intérêts nationaux et citoyens sont en jeu.
Ainsi, le dialogue nécessaire aujourd’hui doit se traduire par des politiques publiques crédibles et à forte portée sociale, plaçant le service public en priorité. Cela pourrait également passer par des initiatives audacieuses pour restaurer les consensus autour des questions d’éducation, de santé, de justice spatiale, d’emploi, voire des problématiques personnelles et culturelles des jeunes… à travers des débats ou des forums, dont les résultats et propositions se traduisent en alternatives concrètes dans les politiques publiques, dans la perspective du projet de développement qui reste bloqué malgré la diversité des dialogues et des approches enrichissantes des différents acteurs de la société.
Il serait également bénéfique de redonner la parole aux intellectuels et d’écouter leurs questions sur la société, ses dynamiques, ses valeurs et ses modes de vie, ainsi que leur vision pour l’avenir de notre pays afin de renforcer la cohésion sociale. De même, il est important d’entendre les chefs d’entreprise, surtout ceux qui affichent un fort sens patriotique, pour mettre en lumière l’apport du secteur privé au développement, ainsi que leur approche des questions d’équité dans la répartition des richesses, de justice fiscale, de justice salariale, et de la contribution citoyenne du capital national dans l’incitation à l’investissement et à l’emploi, garantissant ainsi un bénéfice collectif des grandes opportunités de notre pays actuellement, afin de consolider le développement, la stabilité et le progrès, pour que ses bienfaits touchent l’ensemble des composantes de la société.
C’est un moment national par excellence pour interpeller l’État et la classe politique, qui semblent aujourd’hui en marge, sur l’avenir du pays dans l’année électorale à venir… Je reviendrai sur ce sujet dans mon prochain billet.