Derrière la défense du « fquih »: enjeux et perspectives politiques.

Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la justice et du développement, et Souleimane Ben Hamza, l’une des figures les plus en vue de l’islam politique dans la région de l’Oriental, n’ont pas simplement défendu le président du Conseil scientifique local de Figuig, démis de ses fonctions, en réaction morale ou juridique à une décision administrative du ministère des Habous et des affaires islamiques. Leur prise de position s’inscrit dans un mouvement politique calculé, dans le cadre d’un positionnement précoce pour mener la bataille des élections législatives prévues en septembre 2026.
L’analyse politique de cette situation se déroule dans un contexte précis, suite au discours du trône qui a conduit Sa Majesté le Roi à demander au ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, de superviser des concertations politiques pour une préparation adéquate des prochaines élections, en vue d’un consensus national sur les règles qui les encadrent.
Dans ce contexte, les courants de l’islam politique au Maroc se retrouvent face à un grand défi de repositionnement dans le paysage électoral, alors que le pays engage des discussions stratégiques concernant la révision du Code de la famille, la réforme du Code pénal, et le renforcement des droits individuels, des libertés et de l’égalité, en conformité avec les engagements internationaux du Maroc en matière de droits humains. Ce sont des dossiers que l’islam politique a historiquement contestés, les considérant comme des menaces pour sa référence conservatrice.
La défense de Benkirane et de Ben Hamza du « faqih Rissouni », ancien président de l’Union des savants musulmans, qui a été démis de ses fonctions officielles à cause de ses absences répétées selon un communiqué du ministère, témoigne d’un embarras au sein des cercles islamistes face au comportement de l’un de leurs symboles, qui ne respecte pas les « tactiques de régulation politique » nécessaires en ce moment.
Rissouni, avec son approche combative, agit comme s’il « perdait la partie avec la marocanité » — selon les dires de certains de ses camarades — ce qui a dérangé ses coreligionnaires autant que ses adversaires, en raison de l’ouverture d’un front de conflit avec le ministère des Habous, ce qui pourrait réduire les opportunités d’utiliser l’espace religieux lors de la campagne électorale à venir, où ces courants comptent sur « la proximité avec les figures religieuses » pour garantir leur présence sur le terrain.
Le communiqué du ministère des Habous, daté du 5 août 2025, a clairement expliqué que le retrait des fonctions non réglementaires, telles que la participation aux conseils scientifiques, ne nécessite pas d’explication écrite, mais repose sur un principe logique selon lequel celui qui n’accomplît pas ses tâches en est relevé. Le ministère s’est fondé sur des rapports institutionnels successifs allant du conseil scientifique régional au niveau supérieur, ce qui dénote l’absence de toute intention d’atteinte politique ou de dérive administrative.
Le Maroc aujourd’hui est à une étape préparatoire pour son premier scrutin électoral après la pandémie et une période de réformes sociales et constitutionnelles profondes. Le grand défi est de rétablir la confiance dans le processus électoral et d’assurer un environnement démocratique véritable, ce qui ne peut être réalisé sans :
– L’indépendance de l’administration électorale face à la domination administrative et sécuritaire directe, même si le ministère de l’Intérieur maintient son rôle logistique et organisationnel.
– La prohibition de l’utilisation de la religion, de l’argent et de l’influence tribale pour séduire les électeurs, comme cela a été le cas par le passé.
– La garantie de la neutralité des autorités locales et la non-utilisation des ressources de l’État par certains candidats.
– La limitation de toute tentative d’intimidation et de manipulation au nom de la religion, que certains membres de l’islam politique maîtrisent.
– L’interdiction des associations et partis qui refusent de s’engager à un pacte national pour rejeter la violence et l’extrémisme d’entrer dans l’arène électorale, considérant que la démocratie ne peut être monnayée.
La phase actuelle nécessite une volonté politique claire pour assainir le parcours électoral, protéger les institutions religieuses de l’exploitation partisane, et contrer les tentatives de mainmise idéologique sur l’espace public, notamment de ceux qui insistent pour mélanger le religieux avec le politique et l’électoral.
La défense du « faqih démis » n’est pas une défense de la légitimité, mais une tentative d’établir une position dans une bataille qui a commencé de bonne heure, une lutte pour les positions, l’influence et la légitimité électorale, où il n’y a pas de place pour reproduire les erreurs du passé.
Moulay Ahmed Driidi
Secrétaire général du “Centre marocain pour la démocratie électorale”, membre de la direction de “l’Observatoire associatif des élections”, et coordinateur au sein de “la région nationale de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme”.