Festival International du Film de Marrakech : Présentation de la version restaurée du film « Le Mirage » d’Ahmad Bouanani.

Le festival international du film de Marrakech a présenté, hier soir jeudi, au musée Yves Saint Laurent dans la ville ocre, une nouvelle version du film “Le Mirage” du réalisateur disparu Ahmed Bouanani, considéré comme l’un des films fondateurs du cinéma marocain, après avoir été restauré.
La restauration a redonné au film la qualité technique qui s’était dégradée au cours des quarante-six années qui ont suivi sa réalisation, plongeant le public dans l’ambiance des classiques intemporels des années 70, filmés en noir et blanc, à travers une image claire et un son audible.
Nargis Al-Najjar, directrice de la cinémathèque marocaine, qui a supervisé la restauration, a souligné lors de l’événement l’importance de “traiter avec vigilance l’œuvre cinématographique à restaurer, car une correction des couleurs, par exemple, effectuée sans prendre en compte la vision originale du réalisateur, peut altérer entièrement la nature de son film”.
Elle a insisté sur le fait que “la restauration soit en parfaite adéquation avec la version originale, notamment parce que “Le Mirage” est un trésor à redécouvrir”, précisant que “le film a été restauré image par image. Dans un film, 24 images défilent par seconde. Cela signifie que la restauration est un processus laborieux, mais en même temps fascinant”.
Al-Najjar a également commenté la pleine salle de projection, notamment de jeunes spectateurs, en affirmant que “cela nous réjouit et nous motive à fournir davantage d’efforts”.
Pour sa part, Toudah Bouanani, fille du réalisateur, a souligné l’importance de la restauration de “Le Mirage”, en déclarant : “Je ne pouvais pas identifier avec précision certains accessoires dans l’ancienne version, et aujourd’hui, je les vois clairement dans cette version restaurée”.
Elle a annoncé son intention d’organiser une exposition présentant tous les éléments de décor, des costumes, du scénario et du découpage qui concernent le film.
De son côté, Idriss El Yazami, président du Conseil des Marocains à l’étranger, a salué dans une déclaration à l’Agence Maghreb Arabe Presse la restauration du film, considérant cela comme un effort visant à contribuer à la préservation de la mémoire cinématographique marocaine.
Le screening du film a connu une forte affluence, attirant un public désireux de redécouvrir les débuts du cinéma marocain, parmi lesquels de nombreux jeunes qui sont nés des années après la réalisation du film. Le jeune Marwan (20 ans) a déclaré : “J’ai consulté le programme des films du festival pour aujourd’hui et j’ai choisi de regarder le film de Bouanani. J’ai une grande curiosité. J’aime explorer l’histoire du cinéma de mon pays”.
“Le Mirage” raconte l’histoire d’un simple agriculteur qui découvre des liasses de billets de banque cachées dans un sac de farine dans son champ. Il décide alors de se rendre à la capitale pour bâtir une nouvelle vie, mais les événements s’enchaînent dans des scènes “fracturées” reflétant la vision poétique propre au défunt Ahmed Bouanani.
Les événements de ce film, l’un des grands classiques du cinéma marocain, s’articulent de manière “non linéaire”, avec un accent manifeste sur la richesse de la langue et sa poésie dans des scènes “patrimoniales” qui s’inspirent parfois des arts de la narration ou du tapis et incluent des chansons datant des années quarante du siècle dernier.
Le jeu des acteurs dans le film révèle une influence des écoles de performance des années soixante-dix, se concentrant sur la grandeur et la clarté de l’articulation, tout en tendant vers une “théâtralisation” des scènes, notamment dans les segments joués par Mohamed Saïd Afifi, dans le rôle de l’artiste bohémien.
Le défunt Ahmed Bouanani a utilisé dans ce film toutes les formes d’expression disponibles, y compris des chansons, des scènes théâtrales et de la poésie populaire. Le film ne suit pas une montée dramatique des événements, mais adopte plutôt un montage “fragmenté” des scènes, permettant de nombreuses possibilités d’interprétation selon la perception de chaque spectateur.
Ahmed Bouanani (1938 – 2011) est un artiste aux multiples talents, à la fois écrivain, scénariste, réalisateur, peintre et poète. Il a réalisé un unique long métrage intitulé “Le Mirage” (avec Mohamed Lahbabi, Mohamed Saïd Afifi, Fatima Rakkaraki, Mohamed Razin et Mustapha Menir).
Il a également réalisé plusieurs courts métrages, dont le marquant “Mémoire 14”, qui est le premier film de montage réunissant des séquences d’archives coloniales et des images tournées au Maroc durant le XXe siècle. Il a écrit le livre “Le septième art”, qui retrace l’histoire du cinéma au Maroc entre 1907 et 1986, publié par sa fille après sa mort.




