Art & Culture

Hommage au pionnier du cinéma Hamid Bennani à Mohammédia

Ahmed Sejlmassi

Dans un geste noble de l’administration du Festival International du Cinéma de Fadila, qui se déroulera pour sa première édition du 11 au 13 juin, la Haute École Nationale des Beaux-Arts et du Design (ENSAD) de Mohamm Medina, rattachée à l’Université Hassan II de Casablanca, rendra hommage au pionnier du cinéma marocain, Hamid Benani (85 ans). Cette distinction, en rapport avec son statut éminent dans notre histoire cinématographique, se déroulera lors de la cérémonie de clôture le vendredi 13 juin, à partir de 19 heures, dans l’amphithéâtre principal de l’École Supérieure des Professeurs de l’Enseignement Technique à Mohammédia.

Voici un aperçu du parcours artistique du réalisateur Hamid Benani, publié dans le troisième volume de la série "Visages du Cinéma Marocain" (pages 47 à 54), sorti à Casablanca en 2020 dans le cadre des publications du Festival Sidi Osman du Cinéma Marocain.

Le réalisateur de cinéma et de télévision Hamid Benani est né à Meknès le 5 novembre 1940. Il a poursuivi ses études au lycée Moulay Ismael de sa ville natale et a bénéficié en 1958 d’une formation nationale en théâtre (atelier de créativité et d’écriture) organisée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports à Maâmoura.

En 1964, il obtient une licence en philosophie à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Mohammed V de Rabat. Il intègre ensuite l’Institut des Hautes Études Cinématographiques à Paris (IDHEC), dont il sort diplômé en 1967 avec une spécialisation en réalisation, production et conservation (promo 22). En parallèle de ses études cinématographiques en France, Benani a assisté à des cours donnés par Roland Barthes et Paul Ricœur.

À son retour au pays, Hamid Benani occupe le poste de chef du service des relations extérieures à la "Société Nationale de Radiodiffusion et de Television" à la fin des années 60 (1968-1969). Au cours de cette période, il réalise des courts et moyens métrages documentaires, avant de démissionner de la fonction publique en 1970. La même année, avec ses camarades de l’Institut parisien (Mohamed Abd ar-Rahman Tazi et les défunts Ahmed Bouanani et Mohamed Sakkat), il fonde la société de production "Sikma 3", qui a produit le film "Wachma" avec le soutien de la Fédération des Clubs de Cinéma, qui a publié quatre numéros de son magazine "Cinéma 3" en 1970, sous la direction de Nourdine Saïl, alors secrétaire général de la Fédération, incluant une étude précieuse de Hamid Benani sur le grand réalisateur espagnol Luis Buñuel et son œuvre.

Parmi ses réalisations notables dans les années 80 (1987-1990), on trouve la création et la direction d’un festival international de cinéma à Rabat (Festival du Cinéma et de la Jeunesse), où plusieurs chefs-d’œuvre du cinéma mondial ont été présentés, en présence de figures éminentes du septième art, ainsi que de nombreux ateliers de formation et activités cinématographiques diversifiées.

Au cours de plus de cinquante ans de carrière, Hamid Benani a réalisé une série de films courts et longs, de fiction et documentaires, parmi lesquels : "Les Femmes de ménage", "De cœur à cœur" (1967), "Naissance d’une mine", "La Famille marocaine", "Wachma" (1970), "La Prière de l’absent" (1995), "L’Enfant cheikh" (2012), "Les Nuits de l’enfer" (2016)…

Concernant la télévision marocaine sur les chaînes première et deuxième, Hamid Benani a réalisé les films et séries suivants : "L’Oued" (1995), "Le Mirage", "Une Illusion dans le Miroir", "L’Invité" (2003), "L’Automne des rêves" (2004), "Le Petit rêve" (2005) et "La Lumière dans mon cœur" (2006)…

Le chercheur en cinéma, Mohamed Bouiyadi, a écrit à propos d’un précédent hommage à Hamid Benani en 2006 lors de la deuxième rencontre nationale du cinéma rural à Zerhoun : “Le réalisateur Hamid Benani est l’un des visages les plus marquants du champ de la création cinématographique au Maroc, dont le mérite revient à l’initiation d’une véritable pratique cinématographique dans le pays, grâce à une œuvre cinématographique intemporelle qui a longtemps servi de référence aux chercheurs et critiques pour l’histoire du cinéma marocain.”

Hamid Benani a gravé son nom et affirmé sa présence active à travers une écriture cinématographique ancrée dans une profonde réflexion philosophique, lui permettant de promouvoir un projet de cinéma alternatif, en accord avec la terre, la mémoire, l’histoire et l’identité de l’homme marocain.

Donc, rendre hommage au réalisateur Hamid Benani, c’est rendre hommage à une expérience cinématographique exceptionnelle et à une vision créative consciente, ayant son importance et sa place dans l’accumulation cinématographique marocaine, contribuant à l’établissement d’une écriture cinématographique nationale avec un projet culturel et esthétique complet.

Célébrer cette expérience cinématographique pionnière, c’est également célébrer le film "Wachma", Hamid Benani et le projet du cinéma national.

Dans une déclaration à l’Agence Marocaine de Presse, à l’occasion de l’hommage rendu à Benani lors du Festival Universitaire du Cinéma et de la Littérature à Agadir en 2017, le critique de cinéma Mohamed Bakrim a confié : “Le réalisateur Hamid Benani est celui qui a inauguré avec son film ‘Wachma’ ce que l’on peut appeler ‘la décennie du cinéma d’auteur’ durant les années 70 du XXe siècle. Ce film a été pionnier tant sur le plan de son écriture cinématographique novatrice que sur le type de production qu’il a cherché à promouvoir face au cinéma commercial dominant pendant cette période. Benani a su allier une formation cinématographique rigoureuse à une formation académique moderne liée à la philosophie, la psychologie et l’analyse littéraire, lui conférant une culture cinématographique profonde et variée. Cela s’est reflété dans ses nombreuses contributions, visant à rendre le cinéma attrayant pour les nouvelles générations, à participer à la dynamique professionnelle du secteur cinématographique, à organiser de grands événements cinématographiques, et à d’autres initiatives, toutes orientées vers sa grande passion pour le cinéma dans sa diversité et sa profondeur.”

Il convient de noter que Hamid Benani a tenté d’explorer certaines questions historiques à travers son film "L’Enfant cheikh" et les transformations sociales que le Maroc a connues via "Les Nuits de l’enfer". Il a également adapté le scénario de son deuxième long-métrage "La Prière de l’absent" d’un roman de Tahar Ben Jelloun, portant le même titre, et a publié en 2017 un roman intitulé "Le Dernier Chant des Insoumises", dérivant de son film "L’Enfant cheikh", qui contient ce qu’il n’a pas pu filmer et inclure dans le scénario de ce film en raison de contraintes financières. C’est une exception, car il est courant d’adapter des films à partir de romans, et non l’inverse.

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