Faits divers

Des artistes mauritaniens se tournent vers des applications de transfert d’argent après l’interdiction de lancer des billets lors des fêtes.

Dans le cadre du débat suscité par la décision des autorités mauritaniennes d’interdire la pratique de jeter des billets de banque aux artistes lors des concerts et événements sociaux, communément appelée “az-zarak”, certains artistes ont trouvé une méthode “innovante” pour contourner cette mesure en utilisant des applications mobiles pour effectuer des transferts d’argent instantanés.

Une vidéo largement partagée montre une artiste, connue localement sous le nom de « Benja », chantant les mérites d’une application bancaire de transfert d’argent, la plus populaire en Mauritanie, et demandant au public de lui transférer des sommes d’argent, tout en répétant le numéro de son compte sur l’application dans un rythme entraînant.

Cette scène, peu habituelle pour les Mauritaniens, a suscité une vague de réactions, notamment parmi les utilisateurs des réseaux sociaux, dont les avis variaient entre ceux qui appréciaient cette méthode “moderne” et ceux qui la considéraient comme une atteinte à la dignité de l’artiste.

Le recours des artistes mauritaniens à cette méthode, qui a introduit le traditionnel “az-zarak” à l’ère numérique, témoigne du recul de leurs revenus financiers suite à l’interdiction de recevoir de l’argent liquide.

La ministre du commerce et du tourisme mauritanienne, Zeynab Bint Ahmedna, a justifié cette interdiction dans une déclaration à la presse, affirmant qu’il s’agissait d’un “acte festif illégal et contraire aux normes religieuses”, soulignant que cette mesure ne vise pas les artistes eux-mêmes, mais plutôt les gérants de salles de spectacle, tenus de l’appliquer sous peine de sanctions administratives pouvant aller jusqu’à la fermeture définitive et le retrait de la licence.

Le débat autour de cette décision s’est intensifié récemment avec la participation de grands artistes aux discussions, leurs opinions divergentes compliquant encore davantage la situation.

Dans ce contexte, l’artiste Sidati Ould Sidom a affirmé que cette mesure affecte directement les sources de revenus de nombreux artistes “qui dépendent de tels événements pour assurer un revenu décent”.

Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Ould Sidom a appelé les autorités à reconsidérer la décision “pour préserver la dignité de l’artiste d’un côté, et soutenir l’activité artistique de l’autre”, insistant sur le fait que cette demande découle d’une volonté de “dialogue constructif et de service au bien commun”.

Il a plaidé pour renforcer la présence des artistes dans la vie culturelle et publique, et pour valoriser leur rôle dans la promotion de l’identité et de la cohésion nationale, ainsi que dans la diffusion des valeurs esthétiques et artistiques.

En revanche, l’artiste Malouma Bint Medah a exprimé un avis contraire, affirmant son soutien à l’interdiction de jeter de l’argent aux artistes, montrant son étonnement face à l’opposition de certains artistes.

Dans un article sur le sujet, l’artiste et ancienne parlementaire a noté que “les premiers affectés par cette habitude sont les artistes eux-mêmes. À mesure que l’argent leur est jeté, (c’est autant que) leur dignité est compromise”, considérant que “celui qui apprécie un artiste interagit avec lui avec respect et professionnalisme, à travers un contrat qui définit les honoraires convenus, versés avant ou après l’événement conformément à ce qui est stipulé dans le contrat”.

Elle a souligné que le fait de jeter des billets de banque est une pratique “qui peut susciter l’indignation du public et alimenter des sentiments de jalousie et de tension, pouvant entraîner des actes de vengeance ou de désordre”, appelant les artistes à élever la voix pour revendiquer leurs droits professionnels et sociaux, et à travailler à l’amélioration de leur art et de leur statut dans la société, “au lieu de s’accrocher à une habitude qui ternit leur dignité”.

Entre les partisans de l’interdiction de jeter des billets dans les événements sociaux et ceux qui s’y opposent, et un troisième groupe qui “s’efforce” de s’adapter à la nouvelle situation en cherchant des alternatives, même si cela implique de recourir à la technologie des transferts numériques, il semble que le débat autour de la tradition “az-zarak” ancrée socialement est en passe de susciter davantage d’interactions et d’interrogations plus profondes concernant les droits des artistes, leur statut et leur place dans la trame sociale.

/ Ridouane Baakili et MAP

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