Le discours de Sa Majesté le Roi inaugure une nouvelle ère financière : du principe des projets à l’exigence de l’efficacité.

Ali Alaoui, expert financier
Le discours de Sa Majesté le Roi à l’occasion de l’ouverture de la nouvelle session législative marque un tournant décisif dans la lecture du parcours économique du Royaume, non seulement en raison des orientations stratégiques qu’il contient, mais également grâce à son ton qui souligne que le Maroc est entré dans une nouvelle phase, axée sur l’efficacité dans la gestion des finances publiques et le lien entre le développement et la rentabilité économique et sociale.
Cette année, le discours n’était pas ordinaire. Il est clair que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a voulu placer l’économie au cœur des débats parlementaires et politiques, adressant des messages cruciaux sur la nécessité de passer d’une logique de « gestion de projets » à celle de « production de valeur », c’est-à-dire, passer de la simple concentration sur le volume des dépenses à une évaluation de leurs impacts réels sur la croissance et la qualité de vie dans les différentes régions.
Équité territoriale comme levier économique
Le discours royal a affirmé que la justice sociale et territoriale n’est plus un simple slogan conjoncturel, mais un enjeu stratégique lié au cœur du modèle économique national. Cette orientation redonne de l’importance à l’équilibre régional comme condition pour la durabilité du développement et fait de l’équité territoriale le centre de la répartition des investissements publics et privés de manière équitable.
L’économie nationale, comme l’a souligné le discours, ne peut croître en présence de déséquilibres territoriaux qui fragilisent le tissu productif local et consacrent la dépendance des régions au centre. C’est donc dans cette optique que Sa Majesté le Roi appelle à mobiliser toutes les ressources locales, humaines et financières, pour réaliser la transformation développementale requise, en harmonie avec les efforts déployés pour renforcer la décentralisation financière et développer les impôts locaux.
Des dépenses aux résultats
Dans l’un des messages les plus forts du discours, Sa Majesté le Roi a appelé à lutter contre toutes les pratiques qui gaspillent temps, efforts et ressources, affirmant qu’il n’y a pas de place pour la négligence en matière d’efficacité et de rentabilité de l’investissement public. Cette simple assertion suffit à esquisser les contours de la prochaine étape financière : une révision complète des critères de dépenses publiques, liant le financement aux résultats plutôt qu’à la simple justification des dépenses.
Cette orientation ouvre la voie à une réforme profonde dans la logique de préparation du budget général, de sorte que la performance basée sur les résultats devienne le principal critère pour l’allocation des ressources, tout en renforçant les mécanismes d’évaluation financière et comptable des projets publics.
L’économie territoriale et le concept de « Maroc en émergence »
Le discours a également ravivé le concept de « Maroc en émergence », une expression à la fois économique et politique, qui symbolise une nouvelle dynamique nationale s’appuyant sur des programmes de développement territorial de nouvelle génération.
Ici, Sa Majesté le Roi insiste sur la nécessité de penser l’économie sous l’angle de la proximité, c’est-à-dire de soutenir les initiatives locales, de permettre aux collectivités territoriales d’accéder à des outils de financement innovants, et d’encourager les partenariats entre les secteurs public et privé au niveau régional.
Dans ce contexte, l’accent est mis sur la relation gagnant-gagnant entre les zones urbaines et rurales, appelant à une ingénierie économique équilibrée qui intègre les villages dans le cycle de production au lieu de les maintenir comme des espaces de migration vers les villes.
L’économie bleue et les enjeux de durabilité
Parmi les signaux économiques importants, on trouve également l’appel de Sa Majesté le Roi à activer la loi et le plan national pour le littoral, un commentaire pertinent sur l’importance de l’économie bleue dans la stratégie nationale, en tant que secteur générateur de richesses et d’emplois, principalement dans les zones côtières, qui constituent aujourd’hui l’un des moteurs de croissance émergents.
Message aux acteurs financiers
On peut dire que le discours royal a délivré des messages clairs aux acteurs financiers et économiques des secteurs public et privé :
- Pas de gaspillage de l’argent public ni de manque de rentabilité ;
- Pas de développement sans efficacité financière ;
- Pas d’économie en émergence sans équité territoriale.
Avec cette trilogie, Sa Majesté le Roi établit les bases d’une nouvelle étape financière, dans laquelle les dépenses sont un moyen et non un but, et où le développement est un projet collectif dont les résultats sont mesurés par l’impact et non par des slogans.
Le discours royal de cette année constitue une feuille de route pour les années à venir, intitulée « Maroc en émergence et productif ».
C’est un discours qui ne se contente pas de diagnostiquer les faiblesses des politiques économiques, mais qui établit une nouvelle équation entre croissance, équité et efficacité financière. Si le Parlement et le gouvernement doivent réagir à cette vision, le plus grand défi reste de transformer ces principes en indicateurs de performance mesurables, permettant de construire une économie nationale équilibrée, renouvelée et solidement ancrée.