L’Lion d’Afrique : Une Réponse Marocaine-Américaine aux Complexités du Contexte Sécuritaire Régional et International

Par : Barak Chadi Abdel Salam
Dans un contexte régional et international marqué par une montée des défis sécuritaires et des crises entremêlées, tels que l’accroissement de l’activité des groupes extrémistes dans la région du Sahel et du Sahara, l’expansion des réseaux de criminalité organisée transfrontalière, ainsi que les complexités de la sécurité maritime dans des passages stratégiques comme la mer Rouge, le détroit de Gibraltar et le golfe de Guinée, sans oublier les menaces cybernétiques croissantes qui ciblent les infrastructures vitales, il est impératif de prendre en compte les enjeux géopolitiques entre les grandes puissances de la région. L’utilisation de nouvelles technologies militaires par des acteurs extrémistes et séparatistes, telles que les drones, nécessite des tactiques de défense avancées. De plus, les effets des changements climatiques sur la sécurité alimentaire et hydrique entraînent des tensions frontalières potentielles, augmentant ainsi les risques de déplacements et de migrations clandestines, souvent exploitées par des réseaux criminels. La possibilité d’exploiter l’espace cybernétique pour diffuser des informations trompeuses menaçant la stabilité intérieure des États pose également problème, tout comme le risque de résurgence des pandémies ou de menaces biologiques nécessitant une coordination logistique rapide.
Plus crucial encore, le risque croissant des milices séparatistes armées représente une menace sérieuse pour l’unité et la souveraineté des États, en particulier dans un contexte où des liens logistiques et opérationnels se renforcent entre ces milices et des groupes terroristes transfrontaliers cherchant à déstabiliser la région. Les manœuvres « Lion de l’Afrique » s’imposent comme l’un des principaux mécanismes opérationnels de réponse à ces périls. Leur importance ne se limite pas à un simple entraînement conjoint, mais s’étend à la construction d’une capacité de dissuasion collective multilatérale, capable de simuler des scénarios complexes, d’activer des chaînes de commandement et de contrôle communes, et d’offrir un cadre logistique pour le déploiement des troupes dans des environnements opérationnels variés. Cela garantit une réponse militaire rapide et cohérente face à toute aggravation de ces menaces. La réunion principale de planification pour l’édition 2026, qui se tient à Agadir, indique que le Royaume du Maroc et ses alliés, emmenés par les États-Unis, prennent des mesures concrètes pour traduire ce partenariat stratégique en capacités militaires tangibles sur le terrain. Cette mobilisation, qui dépasse le concept de formation traditionnelle, constitue une déclaration pratique d’engagement collectif à maintenir les bases de la sécurité et de la stabilité dans une région où les points de tension se multiplient et les dangers s’intensifient.
Dans ce cadre, une planification rigoureuse pour l’intégration des forces à travers divers domaines — terrestre, aérien, maritime, en plus des opérations des forces spéciales et des missions spatiales et cybernétiques émergentes — est mise en œuvre. Cette intégration démontre une compréhension profonde de la nature des menaces actuelles, qui dépassent le cadre traditionnel et nécessitent une réponse globale, multiforme et simultanée.
Face à des menaces transnationales qui ne reconnaissent pas la souveraineté nationale, cet exercice vise spécifiquement à renforcer l’« interopérabilité » entre les forces participantes. Cela inclut l’accès à une capacité intégrée d’échange d’informations, l’unification des procédures tactiques et l’utilisation de systèmes de leadership et de contrôle communs en temps réel, ce qui améliore la préparation opérationnelle pour faire face à des scénarios complexes et changeants, allant de la lutte contre l’insurrection aux guerres hybrides.
Ainsi, le « Lion de l’Afrique » se positionne au cœur de l’équation de la sécurité régionale. D’une part, cet exercice constitue un bouclier pour dissuader les acteurs non étatiques et internationaux perturbateurs de la stabilité, et d’autre part, il sert de plateforme stratégique et de laboratoire vivant pour l’échange de doctrines et d’expériences combat et logistique. Il est clair que le rôle de l’armée royale marocaine est fondamental, non seulement en tant qu’hôte et organisateur principal, mais également en raison de ses capacités de combat élevées et de ses expériences opérationnelles uniques dans l’environnement du Sahel et du Sahara, faisant d’elle un axe essentiel pour le transfert de compétences et l’assurance des plus hauts niveaux de professionnalisme et de préparation. Cet échange renforce la capacité des pays participants à gérer les crises avec efficacité et rapidité, ce qui rend essentiel l’analyse de la signification de ces manœuvres comme un indicateur clé des stratégies de défense futures adoptées et des alliances sécuritaires interconnectées dans la région.
Les manœuvres « Lion de l’Afrique », fruit d’une coopération militaire défensive croissante, représentent en réalité une manifestation contemporaine d’un profond héritage historique reliant le Royaume du Maroc aux États-Unis. En effet, les racines de cette relation remontent à plus de deux cents cinquante ans. Le Maroc fut le premier pays au monde à reconnaître l’indépendance des États-Unis en tant qu’État souverain, grâce à un décret royal émis par le sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah en 1777, suivi en 1786 par la signature d’un traité d’amitié et de paix, connu sous le nom de « Traité de Marrakech ». Il convient de noter que ce traité, signé par le commissaire américain Thomas Barclay et les commissaires américains en Europe John Adams et Thomas Jefferson, est qualifié de plus ancien traité américain encore en vigueur. Ses dispositions incluent des garanties pour la sécurité maritime et la liberté de navigation, en plus d’assurer la libération immédiate de tout citoyen américain ou de toute propriété arrivant au Maroc, révélant ainsi que la coopération en matière de défense et de sécurité était un élément fondamental de cette relation dès ses débuts.
Dans ce contexte, les liens militaires se sont avérés cruciaux durant les périodes de crise mondiale. Le rôle stratégique du Maroc durant la Seconde Guerre mondiale en est un parfait exemple, car le pays a servi de base logistique essentielle pour l’opération « Torch » en novembre 1942. Les ports et bases marocains, notamment Casablanca et Kenitra, ont constitué un point de départ logistique pour les troupes américaines et alliées afin d’ouvrir un front en Afrique du Nord face aux forces de l’Axe. De plus, l’accueil par le Maroc de la conférence historique d’Anfa en janvier 1943, réunissant le sultan Mohammed V, le président américain Franklin Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill, souligne son importance géopolitique dans la planification stratégique de la guerre. Ce partenariat ne fut pas qu’un arrangement temporaire, mais établit un précédent pour la coordination logistique et opérationnelle qui a perduré pendant des décennies.
Au fil du temps, ces liens se sont renforcés par la signature de nombreux accords de défense bilatérale, consolidant ainsi la position du Maroc en tant que partenaire militaire fiable dans une région très complexe à une période marquée par de nombreux changements et événements. Aujourd’hui, la coopération militaire maroco-américaine englobe des programmes intensifs pour la formation des forces spéciales, le transfert de technologies militaires avancées, et la coordination des efforts de renseignement contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière dans la région du Sahel et d’Afrique du Nord. La signature de la « Feuille de route pour la coopération en matière de défense 2020-2030 » constitue la preuve la plus récente et la plus exhaustive de cette alliance, établissant un cadre institutionnel pour les achats militaires, la formation conjointe et le développement de l’industrie de défense marocaine au cours de la décennie actuelle.
Dans ce cadre, le « Lion de l’Afrique » est perçu non seulement comme un événement d’entraînement, mais comme une continuité de cet héritage institutionnel ancien. Le partenariat actuel dans le domaine de la défense, renforcé par le statut du Maroc en tant qu’« allié majeur non membre de l’OTAN », repose sur des bases solides de confiance mutuelle et d’expériences partagées. Cette profondeur historique confère aux manœuvres « Lion de l’Afrique » leur véritable valeur stratégique, garantissant qu’elles émanent d’une vision partagée de l’importance de la stabilité régionale et de la lutte contre les menaces mondiales, les érigeant en pilier fondamental de la coopération future entre ces deux nations alliées.
Plus important encore, le risque croissant des milices séparatistes armées représente une menace sérieuse pour l’unité et la souveraineté des États, en particulier dans un contexte où des liens logistiques et opérationnels se renforcent entre ces milices et des groupes terroristes transfrontaliers cherchant à déstabiliser la région. Dans ce contexte, les manœuvres « Lion de l’Afrique » se distinguent comme l’un des principaux mécanismes opérationnels de réponse à ces menaces ; leur importance ne se limite pas à l’entraînement conjoint, mais inclut la création d’une capacité de dissuasion collective multilatérale, capable de simuler des scénarios complexes, d’activer des chaînes de commandement et de contrôle communes, et de fournir un cadre logistique pour le déploiement des troupes dans des environnements opérationnels variés, garantissant ainsi une réponse militaire rapide et unifiée face à toute aggravation de ces menaces.
Le commandement opérationnel américain lors de l’exercice « Lion de l’Afrique » est assuré sous la supervision directe du commandement militaire américain en Afrique (USAFRICOM), avec une coordination exécutive de la force opérationnelle sud-européenne de l’armée américaine en Afrique (SETAF-AF). Ce déploiement comprend des unités de combat et logistiques spécialisées de l’armée, de la marine et des marines, ainsi que des unités aériennes utilisant des bombardiers stratégiques tels que le B-52 et des chasseurs comme le F-16, mettant en valeur une participation complète des différentes branches des forces armées américaines. Les manœuvres incluent également une contribution essentielle des unités de renseignement de l’armée américaine afin de développer des capacités de collecte, d’analyse et d’échange d’informations de renseignement communes, un élément fondamental pour garantir une conscience de la situation complète et améliorer la précision des réponses aux menaces asymétriques dans la région.
Ainsi, la réunion principale de planification pour l’édition 2026, qui se déroule à Agadir, siège du commandement sud des forces armées royales, illustre que le Royaume du Maroc et ses alliés, principalement les États-Unis, s’engagent dans des démarches concrètes pour traduire ce partenariat stratégique en capacités militaires tangibles sur le terrain. Cette mobilisation, qui dépasse le cadre conventionnel d’entraînement, constitue une déclaration de l’engagement collectif à préserver les fondements de la sécurité et de la stabilité dans une région où les points de tension se multiplient et les risques se magnifient.
Fort du succès stratégique et opérationnel significatif de l’exercice « Lion de l’Afrique 2025 », qui s’est conclu avec une participation record de plus de 10 000 soldats venant de plus de 50 pays, cette édition a englobé des opérations coordonnées impliquant quatre pays africains (Maroc, Ghana, Sénégal, et Tunisie). Elle a affirmé sa position comme la plus grande et la plus significative depuis son lancement, en mettant l’accent sur l’intégration des opérations de défense cybernétique pour la première fois, tout en élargissant les scénarios de réponse aux menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, en y intégrant des missions d’entraînement avancées, comme le lancement de missiles HIMARS et des opérations de saut aérien et maritime. Ce développement témoigne de l’engagement continu des États-Unis envers la construction de partenariats durables et le soutien à la sécurité et à la stabilité régionales en Afrique. L’exercice met particulièrement en évidence la préparation maximale et l’efficacité de combat élevées des forces armées royales marocaines dans toutes leurs composantes (terrestre, aérienne, maritime) comme moteur essentiel de cette coopération multinationale.
Ainsi, les manœuvres « Lion de l’Afrique » en 2026 devraient se concentrer sur l’approfondissement des leçons apprises des innovations techniques et opérationnelles révélées l’année précédente. La prochaine édition pourrait également voir une expansion accrue du spectre des partenariats, avec une augmentation potentielle du nombre de pays participants d’Afrique et d’Europe, visant à renforcer la préparation conjointe et à échanger des expériences en matière de planification et de combat. De même, l’entraînement continu en 2026 mettra l’accent sur la réalisation d’exercices complexes tels que l’interception maritime et les opérations de débarquement, tout en accordant une attention croissante aux cours académiques multinationaux.
En guise de confirmation de cette ambitieuse agenda, la majeure partie de l’exercice « Lion de l’Afrique 2026 » est prévue au Maroc, entre le 20 avril et le 8 mai 2026. Les régions marocaines accueillant ces manœuvres intensives comprendront plusieurs sites stratégiques : Agadir, Tan-Tan, Taroudant, Kenitra, et Ben Guerir, reflétant l’ampleur géographique et la complexité opérationnelle de la prochaine édition.
Sur cette base, les manœuvres « Lion de l’Afrique » dépassent le simple cadre d’un entraînement militaire commun ; elles incarnent aujourd’hui une expression pragmatique de la boussole stratégique du Maroc, reliant sécurité, stabilité, et développement régional. L’implication profonde du Maroc et des États-Unis dans ces manœuvres souligne la justesse de la vision royale portant sur la capacité à construire des alliances géopolitiques solides, indispensables pour faire face à un ensemble complexe de menaces régionales et internationales, de l’extrémisme à la criminalité organisée, sans oublier les défis cybernétiques, biologiques et le risque des milices séparatistes.
Dès lors, cette coopération défensive constitue un rempart opérationnel commun, tout en établissant un environnement sécurisé propice à la croissance. En effet, la sécurité s’avère être le levier clave pour renforcer les opportunités économiques, intégrant la capacité militaire aux grands projets structurants marocains. Ainsi, des initiatives comme l’initiative royale atlantique favorisant l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, le port atlantique de Dakhla, le gazoduc Nigeria-Maroc, et le corridor économique atlantique – Mohammed VI, transforment le Maroc en un moteur de développement continental au service des intérêts des peuples africains, transformant l’espace atlantique commun en un colossal pont de développement. Le lien logistique, énergétique, et économique offert par ces projets ne soutient pas uniquement l’intégration sud-sud mais renforce également la stabilité à travers un développement inclusif ; ainsi, les manœuvres « Lion de l’Afrique » s’affirment comme la plus claire déclaration d’un engagement collectif solide : une réponse opérationnelle forte visant à préserver la souveraineté des États et à garantir la stabilité de la région, consolidant le rôle central du Maroc en tant que pôle régional de sécurité et de développement en Afrique et sur la rive ouest de l’océan Atlantique.




