Transfert des agents du Trésor aux collectivités territoriales : entre logique de réforme et craintes d’implosion sociale.

La correspondance de la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, à l’intention du Trésorier du Royaume, Nourredine Bensouda, concernant la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 14-25 relative au transfert des employés de la Trésorerie générale du Royaume vers les collectivités territoriales, a ouvert un large débat au sein des fonctionnaires des finances et a remis sur le devant de la scène la question du consensus social dans un secteur considéré comme l’un des plus sensibles de l’administration publique.
Alors que le ministère affirme que cette opération s’inscrit dans le cadre de la modernisation de la gestion de la collecte locale et de la promotion de la décentralisation financière, les syndicats financiers expriment des inquiétudes claires quant au fait que cette initiative pourrait se transformer en source de tension sociale si elle n’est pas gérée selon une logique de consensus total et de garanties concrètes.
Pour sa part, le ministère tente de désamorcer tout potentiel de tension en insistant sur le fait que le transfert ne sera pas obligatoire et qu’il se fera selon les principes de la volontariat et du maintien des droits acquis, avec l’intégration de mesures budgétaires dans le projet de loi de finances pour l’année 2026 afin de garantir la continuité des avantages administratifs et financiers pour les employés concernés.
Il a également proposé trois modalités de transfert, incluant la mise à disposition, l’affectation, puis l’intégration dans les corps du Ministère de l’Intérieur, dans le but d’offrir une flexibilité permettant à chaque employé de choisir le parcours le plus adapté à sa situation professionnelle et familiale.
Cependant, les syndicats les plus représentatifs du secteur financier estiment que les garanties annoncées, malgré leur importance, demeurent insuffisantes tant qu’elles ne sont pas traduites en textes réglementaires clairs et contraignants. Ils réclament une participation réelle des représentants des employés dans la mise en œuvre de ce projet, plutôt que de se contenter de les informer des décisions après leur adoption.
Des sources syndicales avertissent qu’une accélération non consensuelle du processus de transfert pourrait être perçue comme une remise en question des acquis historiques des employés de la Trésorerie générale, notamment en ce qui concerne leur parcours professionnel, leur système de promotion et leur stabilité d’emploi, ce qui pourrait conduire à une intensification des manifestations que ni le gouvernement ni l’administration ne souhaitent.
En revanche, le ministère considère que ce changement représente une véritable opportunité pour élargir les compétences professionnelles des employés et s’engager dans une gestion locale renouvelée, ouvrant de nouvelles perspectives de développement de carrière, à condition que le transfert se déroule dans une atmosphère sereine, avec une démarche de soutien et d’écoute.
La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : la ministre de l’Économie et des Finances parviendra-t-elle à convaincre les syndicats financiers de l’utilité de cette réforme et de ses garanties, ou l’absence de confiance accumulée poussera-t-elle le dossier vers un conflit social ?
La réponse dépendra de la capacité des deux parties à transformer ce projet d’une décision administrative source d’inquiétude en une réforme consensuelle qui équilibre modernisation de l’administration et protection des droits des employés.




