Comment le Maroc s’engage-t-il sur la voie de la « fiscalité intelligente » et pourquoi 2026 pourrait-elle être une année fiscale déterminante ?

Ali Alaoui – Expert financier
Depuis des années, le Maroc a engagé un processus de réforme fiscale en profondeur, basé sur une transformation du paradigme traditionnel de la collecte vers une approche axée sur les données et la numérisation.
Cette transformation ne s’est pas limitée à une simple mise à jour des technologies utilisées, mais a constitué un changement de la philosophie fiscale elle-même. L’objectif est devenu d’élargir la base fiscale et d’assurer une plus grande équité entre les contribuables, tout en simplifiant les procédures et en réduisant le coût de la conformité.
Jusqu’à présent, le Maroc a réussi à numériser la majorité des procédures fiscales, allant du dépôt et du paiement électroniques au déploiement d’un identifiant unique pour les entreprises, en reliant les bases de données entre les impôts, les douanes, le registre du commerce et les banques.
Un cadre juridique pour la facturation électronique a également été mis en place, qui devrait devenir en 2026 l’outil principal pour réguler les transactions et encadrer l’économie informelle en assurant le suivi de la chaîne commerciale, de la source au consommateur.
Ce parcours n’a pas été aléatoire, mais a été réalisé par étapes réfléchies, tenant compte des capacités des différentes entreprises et minimisant la résistance au changement, ce qui a permis une transition relativement fluide.
La fiscalité intelligente, dont parlent les acteurs financiers, ne se limite pas simplement au paiement en ligne ; elle implique un système intégré reposant sur des données en temps réel pour les factures et les déclarations, ainsi que des analyses avancées capables de détecter les anomalies et de sélectionner les dossiers les plus risqués pour un contrôle, tout en fournissant des outils simplifiés qui facilitent la conformité et rendent l’évasion fiscale moins attrayante.
Le Maroc a également mis en place des incitations comportementales intelligentes, telles que le lien entre l’accès aux marchés publics ou aux subventions et l’adhésion à la numérisation et à la facturation électronique, créant ainsi une demande automatique pour la conformité, au lieu de se limiter à des sanctions.
L’année 2026 est sur le point de devenir une année fiscale par excellence, puisque la facturation électronique devrait être généralisée à un large éventail de professionnels et de commerçants, et le contrôle devrait passer du papier aux algorithmes, avec un rétablissement rapide de la taxe sur la valeur ajoutée pour les exportateurs grâce à la conformité automatique des factures.
De plus, les employés et les professionnels auront accès à une déclaration fiscale pré-remplie, ce qui simplifiera considérablement le processus de déclaration. Dans ce même esprit, le lien entre les données douanières et fiscales deviendra plus rigoureux, ce qui réduira la manipulation des factures et le gonflement des coûts.
Le succès de ces réformes jusqu’à présent repose sur plusieurs éléments essentiels : d’abord, la gradualité de l’exécution ; ensuite, l’accent mis sur la facilité de conformité ; enfin, l’utilisation des incitations au lieu de se limiter à la répression.
Cependant, la route reste longue, car il y a des risques à anticiper, comme le fardeau de la conformité pour les petites entreprises si elles ne disposent pas d’outils gratuits ou subventionnés, ou les défis liés à la protection des données en raison de l’interconnexion des régimes fiscaux et financiers, sans oublier le danger de sanctions excessives qui pourraient nuire à la confiance sur le long terme.
Ce qui rend l’année 2026 particulièrement marquante, ce n’est pas seulement le volume attendu des recouvrements, mais aussi leur qualité. Nous serons alors face à une nouvelle relation entre l’État et le contribuable, fondée sur la transparence, la coopération et l’évaluation continue des incitations et des politiques.
Si cela se réalise, le Maroc n’aura pas seulement intégré la phase de « fiscalité intelligente » au sens technique, mais aura également établi un nouveau contrat social fiscal qui fera du système fiscal un levier pour la justice, l’investissement et le développement durable.