Invitation à réviser la législation : un combat pour les droits des femmes et contre les discriminations.

À l’occasion du 8 mars, le monde commémore la Journée internationale des droits des femmes. Nous considérons cette date, au sein de l’Alliance du Printemps de la Dignité, comme une étape annuelle pour revendiquer les luttes continues en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles afin qu’elles puissent jouir pleinement de leurs droits et soutenir les parcours de développement durable. Cependant, nous continuons de faire face à plusieurs défis, que ce soit en matière de garantie des droits économiques et sociaux, civils et politiques des femmes, de lutte contre la violence à leur égard, ou de promotion de leur participation aux prises de décision. En particulier, l’écart entre la législation et la réalité demeure présent dans de nombreux pays. Au Maroc, malgré les avancées relatives réalisées dans le renforcement des droits des femmes, à travers plusieurs réformes législatives et constitutionnelles, comme le stipule la Constitution de 2011, et l’attention croissante accordée aux droits des femmes dans les documents stratégiques et les plans de développement, de nombreuses lacunes persistent dans l’adoption des droits effectifs des femmes tels que reconnus au niveau international, confirmant que :
– La politique d’exclusion et de marginalisation continue dans les politiques publiques, qui manquent d’une intégration transversale de la dimension de genre, où l’articulation et l’intégration des questions migratoires et des problématiques spécifiques telles que celles des femmes handicapées, des femmes migrantes et demandeuses d’asile, des détenues, des mères célibataires, des femmes âgées, etc., sont absentes. Cela est également le cas concernant la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, la stratégie nationale sur la migration et l’asile, la stratégie nationale pour la transformation numérique, ainsi que le plan gouvernemental pour l’égalité.
– Les inégalités territoriales et les disparités de genre dans les politiques locales continuent de perpétuer la synergie entre pauvreté, discrimination et violence à l’égard des femmes, en particulier dans les zones rurales et montagneuses où les services de base font défaut, malgré les objectifs de développement durable à l’horizon 2030.
– Des législations discriminatoires continuent d’entraver la justice selon une perspective de genre, car les lois récemment adoptées manquent d’intégrer de manière flagrante la dimension de genre, comme c’est le cas des projets de loi sur le code de la procédure pénale, où l’absence de modifications radicales protège les droits des femmes et des filles au cours des enquêtes et des procès, ainsi qu’une faible protection juridique lors de signalements de crimes. Il en va de même pour le code pénal qui favorise la discrimination en établissant une philosophie centrée sur la préservation de l’éthique et de l’ordre public plutôt que sur les droits et libertés, ce qui entraîne l’impunité des agresseurs et décourage les victimes de signaler les crimes dont elles souffrent en raison de leur genre. Il en est de même pour le projet de loi sur le code de la procédure civile. Quant aux lois qui ont suscité le débat dans l’espace public, elles restent incapables d’assurer une protection réelle aux victimes, comme le montre la loi n° 103-13 sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes, qui s’est révélée insuffisante pour contrer ce phénomène, en raison de la faiblesse des mécanismes de signalement, de protection immédiate et de l’absence de procédures claires pour assurer une prise en charge totale des femmes victimes de violence. De plus, l’application sur le terrain de la loi sur la traite des êtres humains est faible, permettant la persistance de phénomènes tels que l’exploitation des femmes et des filles dans le travail domestique et la prostitution forcée, en l’absence d’une approche claire pour protéger les victimes et favoriser leur réinsertion sociale.
– La loi sur les sanctions alternatives n’est pas meilleure que d’autres, car elle ne prend pas en compte les effets particuliers des peines alternatives sur les femmes, surtout dans les affaires de violence domestique. Elle se révèle donc injuste et ne conduit pas à un allègement équitable des peines infligées aux auteurs de crimes commis contre les femmes.
– Quant à la code de la famille, qui a connu l’année dernière une dynamique de consultation avec divers acteurs de la société, le débat se poursuit en raison du biais pris par le processus consultatif et du fait que les nouvelles modifications n’ont pas touché en profondeur l’essence même du code, conservant la même philosophie basée sur le principe de la prépondérance et la tutelle… avec une absence d’efforts créatifs pour traiter les problématiques réelles qui créent des discriminations entre femmes et hommes en ce qui concerne l’accès et le contrôle des ressources, maintenant ainsi les inégalités actuelles et ne se limitant qu’à quelques solutions déjà existantes dans l’ancien code.
Cette année, l’Alliance du Printemps de la Dignité célèbre le 8 mars sous le slogan « Pas de développement ni de démocratie sans des lois justes protégeant les femmes contre la violence et combattant la discrimination. » Elle considère que les engagements de l’État envers les droits des femmes sont un devoir à respecter, et appelle les décideurs à :
ü Réviser en profondeur l’ensemble des législations, afin d’assurer l’intégration d’une approche de genre dans toutes les lois et politiques publiques, tout en garantissant l’application effective des lois sur le terrain ;
ü Considérer la justice familiale basée sur l’égalité des sexes comme une priorité ;
ü Modifier et élargir le champ des lois relatives à la violence contre les femmes afin d’inclure toutes les dimensions (genre, migration, bonne gouvernance inclusive…) ;
ü Renforcer le rôle des conseils territoriaux dans la mise en œuvre des politiques nationales à échelle locale, tout en garantissant des budgets prenant en compte les projets de développement destinés aux femmes ;
ü Développer des programmes spécifiques ciblant les femmes dans les zones rurales, montagneuses et désertiques pour leur permettre d’accéder à l’éducation, aux soins de santé et au soutien social ;
ü Garantir l’effectivité des droits acquis à travers la formation et la sensibilisation des juges et des auxiliaires de justice, considérant que le principe légal prime sur toute interprétation qui enfreint les droits des femmes ;
ü Renforcer les programmes d’autonomisation économique des femmes et les encourager à investir, en surmontant les obstacles auxquels elles sont confrontées ;
ü Accroître le soutien psychologique et social pour les femmes victimes de violence domestique, et établir des centres spécialisés pour les aider ;
ü Activer la politique des « quotas » dans le travail et les postes politiques et administratifs pour garantir la représentation des femmes dans tous les domaines, et parvenir à l’égalité des sexes dans la prise de décision.