Politique

La félicitation royale à Benkirane déstabilise ses adversaires et incite les mécontents à revenir.

Signature : Al-Qannas

Lorsque le roi Mohammed VI a adressé un message de félicitations à Abdelilah Benkirane suite à sa réélection en tant que secrétaire général du Parti de la justice et du développement, ce n’était pas une simple congratulation protocolaire comme on en voit souvent avec les dirigeants des partis politiques. De nombreux observateurs, au sein même du parti, ont lu dans ce message des indicateurs politiques importants qui transcendent la simple courtoisie constitutionnelle, ouvrant la voie à un redéfinition du positionnement de Benkirane dans le champ politique marocain.

La congratulation royale est arrivée rapide, claire et directe, d’une manière inattendue pour plusieurs leaders du parti qui ont, au cours des dernières années, promu l’idée selon laquelle Benkirane est "défavorisé par la plus haute autorité du pays", surtout après son éviction de la formation du gouvernement en 2017, à la suite de ce que l’on a appelé le "blocage gouvernemental".

Cette hypothèse servait à justifier son éloignement au sein du parti, voire à mettre en garde les bases contre un retour à son option de leadership.

Cependant, ce qui s’est passé après le congrès extraordinaire du parti, et la lettre royale de reconnaissance qui a suivi, a bouleversé beaucoup de calculs.

Le message, tant par son timing que par son contenu, a ramené Benkirane sous les projecteurs légitimes, signalant implicitement que l’homme reste un acteur acceptable dans l’équation politique, et qu’il est même attendu qu’il joue son rôle au sein des institutions partisanes, et non en marge de celles-ci.

Ce message n’est pas passé sans effet.

De nombreux dirigeants du parti qui s’étaient retirés en silence ou avaient pris leurs distances après les élections marquantes de 2021 envisagent aujourd’hui un retour progressif sur le devant de la scène. Certains d’entre eux, qui considéraient que Benkirane avait franchi le "mur rouge" dans son discours ou son positionnement, estiment aujourd’hui que le message royal l’a implicitement exempte de la désignation de "défavorisé", rendant moins coûteux politiquement l’adhésion à son équipe ou, à tout le moins, le fait de ne pas s’y opposer.

Parmi ceux-ci, on remarque des noms associés au "courant du réalisme politique" au sein du parti, comme Mustapha Ramid, qui malgré ses positions fluctuantes, conserve un poids organisationnel, ou Saadeddine El Othmani qui a choisi de se retirer calmement, mais demeure au centre des discussions au sein du parti sur la responsabilité de l’ancienne direction concernant le "déclin électoral".

Alors que Benkirane maintient un discours de défi et cherche à retrouver l’esprit originel de la justice et du développement, la question posée aujourd’hui est : cette félicitation marque-t-elle le début d’une plus grande réconciliation avec les barons du parti ? Ou s’agit-il simplement d’une normalisation limitée avec le cadre institutionnel sans enjeux politiques plus profonds ?

Il serait erroné de lire la congratulation royale comme un "mandat politique" ou un soutien inconditionnel.

Cependant, dans le contexte marocain, où la symbolique est aussi importante que le réalisme, elle porte un poids moral considérable, en particulier lorsqu’elle survient dans une période de redressement pour un parti ayant connu un choc électoral et un effondrement interne.

Si Benkirane sait bien interpréter ce signal, il pourrait l’exploiter pour construire un front interne fort, capable de rassembler les dissidents, et d’ouvrir la porte au retour de nombreux visages qui se sont retirés sous le choc ou par suite de divergences politiques.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page