La procédure civile s’effondre face au contrôle constitutionnel : quand la cour met en difficulté le processus législatif au sein du ministère de la Justice.

Le pays.ma
La décision de la Cour constitutionnelle annulant un grand nombre de dispositions du projet de loi sur la procédure civile constitue un coup dur pour le processus législatif au sein du ministère de la Justice, et un constat explicite de l’insuffisance de l’architecture technique et juridique qui devrait encadrer la production des textes législatifs au sein de l’une des plus anciennes institutions de l’État.
Alors que le ministère misait sur la présentation de la procédure civile dans une version renouvelée révélant une “révolution dans la justice”, la décision de la Cour a anéanti cet espoir et mis en lumière des lacunes fondamentales dans la rédaction du projet de loi, lequel a échoué à respecter les dispositions constitutionnelles, comme l’ont unanimement souligné les motifs du jugement constitutionnel.
Le ministre Abdellatif Ouahbi, qui n’a cessé de promouvoir de grandes réformes dans le secteur, doit aujourd’hui faire face à son premier échec législatif enregistré, après que la Cour a jugé plusieurs dispositions non conformes à la Constitution, et menaçantes pour les droits de recours et les garanties d’un procès équitable. Cela soulève des questions quant à sa capacité à diriger le chantier législatif dans un secteur sensible comme celui du ministère de la Justice.
Cet échec ne ternit pas seulement l’image du ministre, mais interroge également les équipes techniques et législatives censées examiner les projets de loi et s’assurer de leur conformité avec la Constitution et les normes internationales, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un texte aussi important que celui de la procédure civile, qui est l’épine dorsale du contentieux civil.
La décision de la Cour a relancé le débat sur la “machine à produire des lois” au sein du ministère de la Justice, une machine qui semble aujourd’hui manquer de compétence constitutionnelle et d’habileté législative, contrairement aux années précédentes. Il est inacceptable qu’un projet de loi d’une telle importance parvienne au Parlement, soit approuvé, puis qu’une décision judiciaire vienne révéler des défauts structurels dans son texte, ce qui met en lumière des lacunes profondes dans la méthodologie d’élaboration des lois au sein du ministère.
La décision de la Cour constitutionnelle, bien qu’elle soit un jugement judiciaire, véhicule un message politique et législatif fort : il n’y a pas de réforme sans le respect de la Constitution, et il n’y a pas d’utilité à légiférer si cela n’est pas en concordance avec les droits et libertés fondamentaux. Cela devrait servir d’avertissement précoce pour le ministère de la Justice afin de corriger le tir, de repenser la manière d’élaborer les textes et de former les ressources humaines capables de produire une législation solide répondant aux exigences de notre époque et à l’esprit de la Constitution.
Ce qui s’est passé avec le projet de loi sur la procédure civile ne devrait pas être réduit à une simple “erreur technique”, mais doit être le point de départ d’une révision complète de la manière de travailler du ministère de la Justice dans l’élaboration des textes législatifs, en intégrant la philosophie de la Constitution et en écoutant réellement les acteurs professionnels et juridiques, plutôt que de privilégier la rapidité et la promotion médiatique au détriment de la qualité et de la conformité.
La Cour constitutionnelle a accordé au ministère de la Justice une “évaluation négative” qu’il est impossible d’ignorer. C’est une invitation ouverte à reconstruire la confiance dans l’institution législative au sein du secteur et à former une nouvelle génération de compétences juridiques capables de rédiger des lois, au lieu de les voir annulées par les tribunaux. Le ministre a-t-il le courage de reconnaître l’échec et de corriger le tir ? Ou va-t-il accumuler les échecs jusqu’à ce qu’une nouvelle décision plus embarrassante soit rendue ?