Les conseillers Sidi et Alaoui adressent un message à la Cour constitutionnelle au sujet de la loi 97.15 régissant le droit de grève.

Dans une démarche visant à exprimer leur position sur le projet de loi organique n° 97.15 qui définit les conditions et modalités d’exercice du droit de grève, les conseillers parlementaires, Khalid Setti et Lobna Alaoui, représentant l’Union nationale du travail au Maroc au Conseil des conseillers, ont adressé le 18/02/2025 des observations importantes au président de la Cour constitutionnelle avant la publication de son arrêt concernant la loi 97.15 sur l’organisation de la grève.
Cette objection, selon la lettre dont dispose le site "Al-Balad", s’inscrit dans le cadre de trois correspondances des membres du Conseil, reflétant l’intérêt de Setti et Alaoui pour le renforcement des libertés fondamentales et la garantie d’une application efficace de la Constitution marocaine, dans le cadre d’efforts continus pour promouvoir les droits des travailleurs et les libertés syndicales au Maroc, face à une intensification des débats sur la conformité des législations nationales avec les normes internationales.
Les observations, selon le préambule de la lettre, visent à éclaircir les principales problématiques constitutionnelles et juridiques contenues dans le projet de loi organique n° 97.15. Elles appellent également à une révision complète de ce projet afin de l’aligner sur les engagements internationaux du royaume du Maroc en matière de droits de l’homme, et de garantir l’exercice des droits fondamentaux de manière légale et efficace.
Observations sur la forme et le contenu
Les conseillers ont souligné dans leurs remarques des aspects légaux et constitutionnels importants, affirmant que les nombreuses modifications apportées par le gouvernement au projet de loi, qui s’élèvent à 95 amendements entre la Chambre des représentants et le Conseil des conseillers, rendent le projet plus proche d’une nouvelle loi organique plutôt que d’amendements partiels.
Ils ont indiqué que ces modifications constituaient un dépassement des délibérations du Conseil des ministres qui avait discuté de la version initiale du projet. Ils ont également insisté sur le fait que le gouvernement actuel n’était pas à l’origine de la version initiale, ce qui nécessite un retour à l’actuel Conseil des ministres pour réexaminer les amendements.
Compétences parlementaires et règlement intérieur
Concernant la question du respect du règlement intérieur des deux conseils, les conseillers ont critiqué la transmission du projet à des commissions incompétentes, celui-ci ayant été transféré par le Bureau de la Chambre des représentants à la Commission des secteurs sociaux, tandis qu’il a été référé au Conseil des conseillers à la Commission de l’éducation et des affaires culturelles et sociales, ce qui contrevient au règlement intérieur des deux conseils, notamment en matière de droits de l’homme et de justice.
Ils ont souligné que cette violation prive l’opposition de l’exercice de son rôle constitutionnel, ce qui entrave la démocratie participative.
Respect des droits et libertés fondamentales
Sur le fond, Setti et Alaoui ont noté que le projet comporte des dispositions règlementaires dans des domaines relevant du cadre juridique, ce qui est en contradiction avec la Constitution.
En effet, l’article 71 de la Constitution stipule que les droits fondamentaux doivent être encadrés par la loi, et non par des dispositions réglementaires. Ils ont également souligné que le projet présente un aspect répressif et restreint le droit de grève au lieu de l’organiser, lui consacrant dix articles sur un total de 33, ce qui indique une tendance restrictive à ce droit constitutionnel.
Réglementations internationales et droits des travailleurs
Dans le contexte des droits des travailleurs, les conseillers ont critiqué le fait que le projet n’a pas tenu compte des conventions internationales ratifiées par le Maroc, telles que la convention n° 98 relative au droit des travailleurs à s’organiser et à négocier collectivement. Le projet ne respecte pas les contenus de ces conventions qui garantissent aux travailleurs le droit de grève et la protection des droits syndicaux.
Mesures restrictives et complexité des procédures
Ils ont également mentionné que le projet impose des conditions complexes qui entravent l’exercice du droit de grève, telles que l’exigence d’un certain pourcentage de salariés dans l’établissement pour appeler à la grève, ce qui rend difficile pour les travailleurs d’exercer ce droit.
Ils ont abordé les conditions complexes relatives aux procédures que les syndicats et les travailleurs doivent suivre pour organiser une grève, ce qui contredit les principes constitutionnels garantissant aux individus et aux groupes l’exercice des libertés fondamentales.
Contrôle judiciaire et intervention gouvernementale
Dans leurs remarques, ils ont aussi évoqué l’intervention du Premier ministre dans l’arrêt des grèves par un arrêté motivé, ce que les conseillers considèrent comme une atteinte à l’indépendance de la justice et une violation du principe de séparation des pouvoirs.
En effet, le Premier ministre peut être partie à un litige justifiant l’exercice du droit de grève, ce qui affaiblit les garanties d’équité et d’intégrité.