Impliqué dans l’enlèvement d’un opposant au régime militaire : l’Algérie proteste contre la détention d’un de ses agents consulaires en France.

De nouveau, l’Algérie a exprimé, samedi soir, son “fort mécontentement” après qu’un de ses agents consulaires a été placé en détention provisoire en France, soupçonné d’être impliqué dans l’enlèvement de l’influenceur algérien Amir Boukhars sur le sol français à la fin avril 2024.
Le ministère des Affaires étrangères algérien a déclaré dans un communiqué que “ce nouveau développement, inacceptable et injustifié, est susceptible de nuire aux relations algéro-françaises”, réaffirmant sa volonté de “ne pas laisser cette affaire sans conséquences”.
Trois hommes, dont l’un travaille dans un consulat algérien en France, ont été accusés vendredi à Paris d’être impliqués dans le kidnapping de l’influenceur et opposant algérien Amir Boukhars, survenu fin avril 2024 sur le territoire français.
Ils sont poursuivis pour des charges de détention, d’enlèvement et de séquestration arbitraire, en lien avec un projet terroriste, comme l’a rapporté samedi le parquet national antiterroriste, confirmant des informations obtenues par l’AFP auprès de sources proches du dossier.
Ils font également face à des accusations de participation à un complot terroriste criminel.
Amir Boukhars, surnommé “Amir DZ”, est un influenceur algérien âgé de 41 ans vivant en France depuis 2016, et l’Algérie a demandé son extradition pour qu’il soit jugé.
Alger a émis neuf mandats d’arrêt internationaux contre lui, l’accusant de fraude et de crimes terroristes. En 2022, la justice française a refusé de l’extrader, et il avait obtenu l’asile politique en 2023.
Dans son communiqué, le ministère des Affaires étrangères algérien a reçu samedi l’ambassadeur de France en Algérie “afin d’exprimer le fort mécontentement de l’Algérie vis-à-vis de la décision des autorités judiciaires françaises d’inculper un de ses agents consulaires exerçant sur le territoire français et de le placer en détention provisoire”.
Il a ajouté que “sur le principe, l’Algérie rappelle que l’agent consulaire a été arrêté sur la voie publique et placé en garde à vue sans préavis ni par les voies diplomatiques”.
Le ministère a poursuivi : “Sur le fond, l’Algérie souligne la fragilité et la faiblesse des arguments avancés par les services de sécurité du ministère français de l’Intérieur au cours des enquêtes, la campagne judiciaire contestée reposant uniquement sur le fait que le téléphone de l’agent consulaire accusé aurait été repéré à proximité de l’adresse de M. Amir Boukhars.”
Il a insisté sur le fait que “ce tournant judiciaire sans précédent dans l’histoire des relations algéro-françaises n’est pas fortuit, survenant dans un contexte précis et visant à entraver la réactivation des relations bilatérales convenues entre les présidents des deux pays lors de leur dernière conversation téléphonique.”
Le ministère a exigé “la libération immédiate de l’agent consulaire détenu et le respect total des droits liés à sa fonction prévus par les accords internationaux ou bilatéraux, de manière à lui permettre de se défendre de manière appropriée et dans des conditions élémentaires favorables”.
Pour sa part, Éric Blouvier, l’avocat de l’influenceur algérien Boukhars, a déclaré dans un entretien avec l’AFP que ce dernier “a subi deux agressions graves en 2022 et le soir du 29 avril 2024”.
Le parquet de Créteil, en banlieue sud-est de Paris, a ouvert une enquête sur ces incidents, mais le parquet national spécialisé dans les affaires de terrorisme a pris en charge le dossier en février dernier.
L’avocat a estimé que ce changement, associé à l’ouverture d’une enquête judiciaire, “montre qu’un pays étranger, à savoir l’Algérie, n’a pas hésité à mener des actions violentes sur le territoire français par le biais de l’intimidation, mettant en danger une vie humaine”.
Il a ajouté : “Ce tournant judiciaire dans l’enquête concernant l’arrestation d’agents liés au régime algérien et leur renvoi devant un juge révèle également que les événements du 29 avril 2024 constituent une affaire d’État.”
Le juriste a affirmé que “l’Algérie n’a pas hésité à commettre des actes de violence sur le sol français par le biais de l’intimidation et du terrorisme”.
Il a précisé que l’Algérie “a d’abord tenté de le neutraliser par des mandats d’arrêt” puis, face au refus de son extradition, “a voulu l’extraire directement du territoire français par son enlèvement”.
De son côté, le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a affirmé samedi que “la situation est tellement grave que le parquet national spécialisé en affaires de terrorisme a pris en charge le dossier”.
Il a ajouté : “Je laisse aux autorités judiciaires le soin de tirer au clair les fils de cette affaire” qui “pourrait” être liée à “un acte d’intervention étrangère”.
L’opposant a été enlevé le 29 avril 2024 à Val-de-Marne, au sud de Paris, et a été libéré le 30 du mois.
Dans sa déclaration, à laquelle l’AFP a eu accès, “Amir DZ” a déclaré à la police que ses ravisseurs “se sont fait passer pour surpris” après avoir découvert son identité, croyant qu’il avait “enlevé un camion de drogue”, puis l’ont relâché.
Les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune ont convenu, suite à une conversation téléphonique, du principe de relancer les relations bilatérales entre les deux pays, chargeant les ministres des Affaires étrangères des deux pays de donner une nouvelle impulsion “rapide” à ces relations.
Ils ont ainsi mis fin à huit mois de crise intense, qui avait conduit la France et l’Algérie au bord d’une rupture diplomatique.
Le dossier de l’immigration, ainsi que l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal à la mi-novembre, ont contribué à accroître les tensions, surtout après que Paris a soutenu en juillet 2024 la souveraineté marocaine sur le Sahara, alors que l’Algérie soutient un groupe séparatiste.